Introduction

Pour une fois et sur demande de certains, nous n’allons pas nous contenter de mettre quelques photos en ligne … et allons entrer un peu plus dans les détails de notre périple.  En effet, je vous livre ici notre journal de bord écrit majoritairement par Val durant notre parcours et dont je me suis approprié l’écriture.

Notre projet s’est déroulé sur un an : 9 mois en Méditerranée et 3 mois en Atlantique pour arriver en Martinique. Il y a bien entendu eu un écart entre le domaine de l’imaginaire où nous nous projetions dans l’atlantique et celui du réel où nous nous trouvions enfin sur l’océan. Notre dépaysement ayant eu lieu bien avant d’arriver sur les Antilles, cet écart s’est surtout fait ressentir en termes de navigation après Gibraltar. Passé ce cap, nous avons eu la satisfaction de constater qu’un bateau équipé pour de l’hauturier en Méditerranée est parfaitement à son aise en Atlantique; voir peut être même plus. Sans doute à cause des courants favorables, des vents portants ou bien de l’origine océanique du bateau, nous avons vraiment senti notre bateau heureux sur l’atlantique. Si bien que des vents de plus 40 nœuds nous donnaient l’illusion d’une bonne brise, illusion vite rompue lorsqu’une plus grosse vague nous mit de travers, nous rappelant à l’ordre : « cette bière sortie le temps de la pause cigarette était de trop ! Non de non ! Nous ne sommes pas en pause mais sous avis de coups de vent »

Notre parcours

Notre parcours

La Martinique marque la fin du premier épisode d’une série qui je l’espère sera longue. Nous nous fixons à présent un certain temps sur un magnifique terrain de jeu que sont les Caraïbes pour travailler afin de remplir les caisses du bord.

Dans la série Val&Nico, le premier épisode pourrait s’appeler « Le grand départ pour la Martinique », l’épisode en cours « Notre entreprise aux Caraïbes » et le prochain épisode « La voie du Pacifique ».

Première étape de la transat : Canaries / Cap Vert

Nous partons de Santa Cruz de Tenerife (Canaries) pour rejoindre Mindelo (Cap Vert) en 7 jours ce qui nous donne un avant goût de la Transat, nous nous étions laissé la possibilité de faire une route directe pour la Martinique mais nous avons trouvé toutes les raisons pour que ce ne soit pas le cas. Nous devions de toute façon faire route au sud pour profiter des alizés et l’écart de route n’était pas grand. De plus une assez grande distance effectuée au moteur permettrait de rattraper ce retard pour ensuite nous ravitailler avec du Gazole à moindre coût. Au bout de 7 jours de navigation il est agréable de faire une pause, surtout à Mindelo où tout est ultra sécurisé et pensé pour les grands départ de navigation. Nous nous sommes également amusés à suivre certains bateaux du rallye Atlantique Odyssey sur notre AIS une bonne partie du temps.

Départ vendredi 08/01/2016 à 9h de Santa Cruz de Tennerife

Notre groupe d’amis vient nous larguer les amarres. Le bateau « Ara » avec Antoine, Marion et Hugo ainsi que le bateau « Serendip » avec Henry, Clarisse et Pauline. Tous rencontrés lors d’apéros et destinés également à traverser l’atlantique. Quelques coups de sifflets et de cornes de brune retentissent dans le port au moment où Jimmy Cornell fait son annonce météo à la radio. Les dauphins nous ouvrent la route à la sortie du port, le temps est clément et on en profite pour pêcher. Résultat, une touche et un nouveau leurre de perdu.

Notre groupe d'amis canariens

Notre groupe d’amis canariens

Samedi 09/01/2016

A 10h00, nous avons parcourus 90 milles, le temps est ensoleillé mais le vent très faible ce qui nous oblige à mettre le moteur. Nous captons de jolis fichiers météo BLU mais ils ne couvrent pas la zone où nous nous situons ni la traversée Canaries – Cap Vert. Il faudra se contenter du premier fichier grib téléchargé sur 6 jours.  A 15h on lève notre première bonite de 3kg qui servira de repas le soir. On verra également trois tortues, des marres de planctons rendant la mer étincelante la nuit ainsi que des dauphins. Au milieu de la nuit un risque de collision important a eu lieu avec un voilier de 18 mètre naviguant à 8 nœuds lorsque nous étions à 5 nœuds. C’est un bateau que je suivais depuis longtemps sur l’AIS se rapprochant par notre arrière progressivement. Plusieurs appels à la radio ont été lancés sans succès et je le laissais donc continuer à s’approcher sans pouvoir l’avertir. La mer étant calme, il devrait observer mon feu de navigation arrière.  A 500 mètre de distance, je décide de me mettre à la barre et de quitter l’écran radar pour l’observer en visuel, prêt à changer de cap. C’est à une distance de 200 mètres qu’il décide de m’aveugler avec son projecteur ce qui me désoriente et me fait virer immédiatement. Je reste un certain temps voiles à contre afin de sécuriser nos routes tout en pestant contre ce voilier qui se réveille deux minutes avant …

Dimanche 10/01/2016

11h, il y a pétole, l’anémomètre affiche 6 nœuds de vent, Nico hisse le spi et nous marchons à 3,5 nœuds. L’eau doit être très chaude car il y a des bancs de méduses à profusion. Ce n’est pas le moment de se mettre à l’eau mais plutôt de manger, au menu salade et bonite. A 15 heures on aura parcouru 235 milles.

Lundi 11/01/2016

10h, Val se réveille avec une houle assez forte, ça ballotait un peu durant la nuit avec un vent de 25 nœuds et des vitesses de pointe à 10 nœuds si bien que je l’ai épargné des quarts de nuit. D’autant plus que Val a une angine et de la température, les conditions font en sorte que je la laisse tranquille et revenir vers moi si elle en a envie ce qui est la cas vers 18 heures, moment où une baleine pointe son nez pour faire route parallèle avant de nous saluer d’un grand coups de queue et plonger.

Mardi 12/01

A 13h00, nous avons parcouru 500 milles et il reste donc 350 milles soit 3 jours de navigation. Nous avançons à 5,5 nœuds avec du beau temps et peu de houle, on remet donc les cannes à l’eau pour attraper une bonite de 4kg vers 17h00 (rapala tigre 11cm à une distance de 70m du bateau)

Histoire de notre Transat
Histoire de notre Transat

Mercredi 13/01

A 5h du matin, on est réveillé par le roulis de la baume. Il y a 1 nœud de vent et on est à l’arrêt. On met le moteur puis le vent remonte au bout d’une heure jusqu’à 30 nœuds. Dans la matinée, les vents sont complètement irréguliers et de nombreux empannages sont réalisés. A 18h nous avons droit à un vrai spectacle de dauphins, plusieurs centaines nous accompagnent dans des acrobaties dignes des plus grands circassiens et ce pendant plus d’une heure. La nuit est noire, plus d’étoiles, plus de lune, nous nous perdons dans le noir et  le GPS en profite pour décrocher et nous situer dans le triangle des Bermudes à une vitesse de 400 km/h. Quelques instants plus tard et sans plus de raisons, le GPS reprend une route normale.

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Jeudi 14/01

La veille nous nous étions dit que cette journée devrait être tout au moteur dans de la pétole et rien ne laissait présager du silence avant la tempête. Nous finirons avec 40 nœuds établis bien établis. La mer est très agitée, les vagues hautes et la houle se font bien resentir. On prendra une grosse vague par l’arrière qui inondera le cockpit et la cabine arrière dans laquelle j’apprends à nager. Quand à Val, très crispée, elle constate des pointes de vitesse à 12 nœuds, ce qui ne la rassure pas… Je réagis alors en jouant l’incompréhension, voici les mots exacts des termes de mon réconfort : « Non mais tu ne vas pas avoir peur à chaque fois qu’il y a une petite rafale ! » Evidemment ce n’est pas ce qu’elle aurait souhaité entendre et éprouve un sentiment partagé entre la fatigue et la solitude. Les choses rentrant dans l’ordre avec un bateau sur des rails, je me rattrape en lui servant l’apéro et en lui faisant un petit massage tout en jetant tout de même quelques coups d’œil à l’anémomètre.  La voilà apaisée pour rattraper son retard de sommeil. Nous approchons des côtes sous l’orage avec de beaux éclairs qui illuminent le ciel, le tonnerre gronde et la foudre tombe régulièrement tout autour de nous. Une seule chose nous effraie : que le ciel nous tombe sur la tête …

Le triangle des bermudes sur OpenCpn

Le triangle des bermudes sur OpenCpn

Une petite vague parmi tant d'autres

Une petite vague parmi tant d’autres

Vendredi 15/01

A 10h, les oiseaux accompagnent le bateau et la terre est en vue ! C’est l’île de Saao Nicolau, nous sommes à 35 milles de Mindelo et prévoyons une arrivée vers 16h. Le temps est maussade et nuageux, il règne une moiteur nous laissant transpirer sans pour autant avoir chaud ? Avant d’accoster, je dors dans la couchette antiroulis comme un ours en hivernation, ou comme dirait Val de manière moins métaphorique un gros bébé poilu. Arrivée à terre, nous voici en forme pour la première bière au bistrot du coin.

On aura mis 7 jours pour parcourir 850 milles de Santa Cruz de Ténérife à Mindello soit une moyenne de 5 nœuds pour 122 milles / 24h et 35 heures de moteur soit une moyenne de 85% à la voile. On aura toujours été portant allant du grand largue au vent arrière, sous génois seul ou sous spi.

Anecdote

Nous avons rencontré lors de notre présence aux Canaries le grand marin tour du mondiste, Jimmy Cornell, connu du monde maritime pour ses ouvrages nautiques. Avant notre grand départ nous avions imprimé son livre « routes de grandes croisières » qui donne de précieuses indications sur les routes  empruntées par les bateaux dans le monde. Un soir d’apéro avec les copains, nous nous amusons à imaginer le sketch qu’une demande de dédicace pourrait donner si on présentait ce livre photocopié à cet illustre personnage. Je pense qu’il a du rester quelques séquelles de cette soirée car Val alla ensuite demander après une brève conversation avec Jimmy de dédicacer notre pavé piraté. Jimmy aussi mal à l’aise que moi tomba des nues et je le rassurai alors avec un mensonge aussi hasardeux que honteux mais qui nous permit de passer de l’état de voleurs présumés à l’état de victimes ; volés par les arabes du Maroc à qui nous avions acheté ce livre. Il fut étonnant de constater avec quelle facilité ce mensonge faisant référence aux éternels coupables nous sortit de cette situation.

Histoire de notre Transat
Val et Jimmy, réconciliés ?

Val et Jimmy, réconciliés ?

Les vivres faîtes, nous mettons  en route le moteur pour partir. Mais c’est un faux départ ! Après 5 jours de tranquillité dans le port de Mindelo, la douane se décida à se manifester pour les formalités d’usage, et ce juste 5 minutes avant notre départ . Nous espérons que ce n’est pas là un signe de mauvais présage … Après plusieurs heures perdus dans leurs bureaux administratifs, nous pouvons enfin partir.

Histoire de notre Transat

Traversée de l’atlantique : de Mindelo au Marin

Mardi 19/01

Après le plein de Gazole, nous partons dans des conditions un peu musclées c’est-à-dire 30 nœuds bien établis et 43 nœuds en rafales. Le bateau fait des surfs à 11 nœuds, OpenCPN annonce même dans ses statistiques des pointes à 14 nœuds mais je pense qu’il s’agit là d’une erreur.

On comptait sur des alizés réguliers, pour l’instant c’est raté. Le vent passe de 40 nœuds à bientôt 0 en peu de temps, la girouette fait des tours sur elle-même. Nous mettons donc le moteur dans une mer hachée et inconfortable.  Cette nuit les quarts devront être resserrés. Val appelle à la radio un pétrolier qui est en route de collision mais ne parviens pas à se faire comprendre étant donné son anglais approximatif, je prends la relève pour saluer  la capitaine et conclure.

Mercredi 20/01

Il est 12h on marche à 5,5 nœuds sous génois avec un cap de 260, on a parcouru 120 milles et le vent est tombé à 15 nœuds.  Au petit matin les vagues sont toujours aussi hautes et désordonnées, Val a parfois le mal de mer. Depuis notre départ, le bateau est sur des rails, nous sommes donc dans un wagon qui se comprimer et se tortille sur lui-même mais dans lequel règne une certaine sérénité « A destination de ».  Progressivement, nous nous adaptons à ce petit inconfort et les veilles se font de plus en plus espacées. Le sommeil l’emporte sur l’éventuelle hypothèse qu’un bateau sans AIS qui aurait esquivé la zone de garde de notre radar nous aurait pris pour cible. Pour gagner en confort, Val a eu l’excellente idée de préparer à manger pour quasiment toute la durée de la transat, ceci est vraiment très appréciable !

Jeudi 21/01

Toujours sur des rails, prêt à rouler le génois non tangonné au premier grain. A midi, 48 heures après notre départ 245 milles ont été parcourus soit une vitesse moyenne de 6 nœuds. Mais cette vitesse s’écroule à 5 nœuds si l’on se projette sur une route directe car nous ne faisons pas une route exacte et dérivons fortement. Deux solutions pour pallier à ce problème : régler de manière régulière et constante le cap du bateau ou enclencher le pilote non pas sur le cap mais sur la route. C’est cette dernière solution que nous retiendrons.

Vendredi 22/01

A présent il faut s’occuper ! Inventer pour s’occuper et bouger pour lutter contre la léthargie ambiante. De mon côté j’ai installé des jeux vidéos sur l’ordinateur ainsi que beaucoup de films, j’ai terminé de lire Ocean’s songs de Kersauson et démarre la trilogie de Moiteissier, j’ai aussi entamé une psychothérapie interne de ma conscience à mon inconscience ou vice versa. On passe le temps comme on peut …

Les émulateurs de jeux Nintendo et autres seront d'un grand secours

Les émulateurs de jeux Nintendo et autres seront d’un grand secours

Parfois je m’amuse aussi à manœuvrer, à mettre le spi ou à tangonner le génois. Pas spécialement pour augmenter notre vitesse moyenne ce qui serait ridicule mais simplement pour bouger. Cela aurait aussi pu être le cas avec la pêche mais on l’a abandonné très tôt jusqu’aux derniers jours étant donné les conditions de mer et le confort apporté par les festins cusinés par Val ne demandant qu’à être sortis du frigo.

Samedi 23/01

Il ne fait pas très beau et la houle est toujours aussi formée, on met le spi et la grande voile pour atteindre des vitesses jusqu’à huit nœuds. Mais la voie de la sagesse, Val, me susurre de ranger tout ça et de nous remettre tranquillement sur les rails, ce que je fais sans trop discuter. On a à présent parcouru 500 milles sans jamais rien voir, ni dauphins ni cétacés. Par contre on découvre avec une grande joie nos premiers poissons volants à bord. Parfois c’est simplement leur odeur qui nous indique leur présence, d’autres fois il faut chercher mais dans tous les cas nous les verrons continuellement planer à nos côtés sur l’atlantique.

Pauvres poissons volants, on les préfère en train de surfer à nos côtés

Pauvres poissons volants, on les préfère en train de surfer à nos côtés

Dimanche 24/01

Le ciel est nuageux et les vents se stabilisent autour de 25 nœuds. La houle monte jusqu’à parfois 4 mètres, c’est une houle croisée dont une partie pousse le bateau tandis qu’une autre partie frappe le flanc du bateau. Ces conditions dureront plusieurs jours …

Nous apercevons notre premier oiseau, un premier paille en queue et nous nous interrogeons longuement sur le fait que cet oiseau puisse aller aussi loin des terres, d’autant que ce ne sera pas une exeption. Il nous est arrivé à plusieurs reprises d’apercevoir ces grands oiseaux du large en plein milieux de l’océan. Perdu ? Pas si sûr …

Magnifique paille en queue

Magnifique paille en queue

Lundi 25/01

Sous un beau clair de lune, nous décidons de prendre l’apéro dans des conditions magnifiques. Le bateau se fait bercer et nous aussi, nous contemplons ainsi la beauté des reflets de la lune sur l’eau et les lumières de l’océan. Le nombre de bières ingurgités sera regretté car en plein milieu de la nuit les conditions forcissent avec des rafales à 35 nœuds. C’est la première fois que je ressens ce que peuvent ressentir les terriens après avoir trop bu … Quand à Val elle part vomir. Nous roulons une bonne partie du génois mais impossible de dormir étant donné l’inconfort à l’intérieur du bateau.

Mardi 26/01

Au petit matin, nous constatons qu’un des haubans (câble tenant le mât du bateau) s’est désolidarisé de son manchon, quelques minutes de frayeur avant d’être rassuré par une longue réflexion. Ce n’est pas grave, on verra cela quand on sera arrivé. Nous passons régulièrement sur des champs de Sargasse (algues), c’est une vraie plaie. La BLU génère de très beaux fichiers météo et occupe nos quarts.

Aujourd’hui c’est chorizo/patates sautées. C’est toute une expédition d’éplucher, de couper et de cuire des patates avec une houle pareille, ça prend une heure mais ça occupe. En tous cas je comprends mieux d’où vient l’expression « patates sautées ».

Bulletin météo capté par BLU

Bulletin météo capté par BLU

Mercredi 27/01

Au réveil, quatre gros poissons volants se sont échoués sur le pont et dans le cockpit, on ne croisera aucun bateaux, on est au milieu de l’atlantique, il reste 1100 milles à parcourir soit la moitié du parcours. La houle s’est un peu calmée, niveau moteur on essaye de l’utiliser chaque jour pour recharger les batteries en plus de l’hydro générateur.  On a pour l’instant utilisé le moteur 11 heures soit une consommation de 17 litres. Ce matin le temps est ensoleillé et il fait moins humide ce qui devrait calmer mes allergies. Ces allergies me tuent régulièrement à petit feu ! Tous les jours et pourtant au milieu de l’atlantique : Atchoum ! A la votre !

Jeudi 28/01

Aujourd’hui les globicéphales nous accompagnent, ce sont des dauphins qui font 8 mètres de long. Les globicéphales font parti de la famille des dauphins mais je trouve qu’ils ressemblent plus à de petites baleines joueuses. Au total une douzaine de globicéphales tournoient autour du bateau et je dois reconnaitre qu’il est impressionnant d’observer ces colosses filer sous le bateau.

Globicéphale

Globicéphale

4h du matin, le vent passe de 15 nœuds à 30 nœuds. Il me semble que c’est un grain et on roule rapidement le génois mais la drosse d’enrouleur reste bloquée dans le tambour. Petit coups de stress avant de débloquer la situation.

Vendredi 29/01

Ce matin, c’est nuageux et gris et je trouve la mer agitée. J’espère qu’on ne va pas se reprendre un coup de vent, il reste environ 800 milles et on se réveillera de nouveau dans la nuit pour rouler le génois à cause de rafales à plus de 30 nœuds.

Samedi 30/01

C’est confirmé la journée d’hier et d’aujourd’hui seront de loin les plus désagréables de part les conditions météorologiques. Temps grisant, pluie, fatigue, bateau qui danse dans une mer mal orchestrée, le bateau semble ivre dans ses mouvements. Enfin vous me direz que c’est normal puisqu’il s’agit de l’Ivresse.

Nous regardons attentivement nos montres et calculons régulièrement le temps qu’il reste à parcourir ce qui semble quelque peu déprimant car nous sommes encore à 700 milles de la Martinique. Mais ce n’est fort heureusement qu’un état d’humeur passager

Demain c’est dimanche et on pourra profiter du rituel car il nous reste un poulet dans le frigo, peut être même que le soleil montrera le bout de son nez …  En attendant, la nuit ne sera pas meilleure et Val en fera les frais « Impossible de fermer l’œil, mon corps et ma tête se projettent et s’écrasent sur les parois du bateau. J’ai heureusement pu m’endormir au petit matin ce qui me mettra de bonne pour la suite de la journée »

Dimanche 31/01

Au petit matin, nous essuyons une petite pluie et apercevons clairement sur le radar puis en visuel un grain. Nous roulons le génois et dévions notre route de 30° ce qui permettra de l’éviter. A 13h, le temps devient plus clément, le vent plus régulier et les premiers rayons de soleil nous apaisent. Nous sommes sous spi lorsqu’un banc de globicéphales nous accompagne pendant que l’on déguste le poulet du dimanche. Nous naviguerons dans ces conditions idéales pendant plusieurs heures ce qui nous ravit.

Lundi 01/02

Ce matin le vent est tombé brutalement passant de 30 nœuds à 9 nœuds. On a tout affalé et tant mieux car il vaut mieux rester coucher. La pluie s’est installé pour de bon, nous marchons au moteur et il est à présent difficile de distinguer le ciel de la mer tant tout est gris. La bonne surprise de la journée sera de constater que nous avons franchi la barre des 500 milles restant pour rejoindre la Martinique, nous sommes au 3/4 du parcours.

Mardi 02/02

C’est une belle journée, à l’opposé de celle d’hier. Il fait beau mais nous sommes au moteur depuis plus de 24 heures car Eole est absent.  Au moins cela a le mérite d’être calme et d’avoir à présent l’eau chaude à bord. Nous en profitons pour prendre une douche et de mon côté je me paye le luxe de me raser. Un petit apéro à midi et on met les lignes à l’eau pour ne pêcher que des algues. Nous arrivons à 300 milles de la Martinique, il commence à faire très chaud et nous sentons la fin approcher.

Sargasse

Sargasse

Mercredi 03/02

Ciel bleu et mer calme au programme, cela fait du bien au moral surtout que nous ne sommes plus qu’à 35h soit 190 milles de la Martinique. Nous avons mis tous nos bidons de gazole (57 litres) dans le réservoir et attaquons donc notre réserve. Si l’on pêche un gros poisson, pas question de s’attarder des heures au moteur car il semble que l’on soit un peu juste en Gazole.  Espérons aussi qu’il y ait de nouveau un peu de vent pour nous assurer une marge de confort.

Jeudi 04/02

Nous sommes toujours au moteur depuis maintenant plus de 72 heures et les quatre lignes sont à l’eau. Ce sera une journée d’appréhension car nous ne sommes pas certains que nous aurons suffisamment de Gazole jusqu’à temps que je démonte la jauge pour vérifier ceci en visuel.

Ce sera une magnifique journée de pêche telle qu’on les aime ! A 6 heures une grosse touche déroule le moulinet, Val m’appelle puis au moment d’arriver plus rien. Elle me confirme que le moulinet a défilé très fort ce qui me fait penser à un espadon car comment un poisson peut il tirer aussi fort deux gros tridents sans s’accrocher, sans aucun doute avec son rostre. Vers 10h une seconde touche a lieu sur un leurre que je n’ai pas l’habitude d’utiliser mais qui fera merveille. Une coryphène est sortie de l’eau mais nous la jugeons trop petite et la remettons à l’eau. Au moment de remettre la ligne, j’aperçois un gros poisson bondir plusieurs fois hors de l’eau avant de se saisir du leurre. Première fausse touche, le poisson décroche mais revient à la charge. Cette fois ci je desserre le frein, le laisse partir avec le leurre avant de le ferrer. Ce sera une deuxième grosse coryphène qui cette fois ci sera conservée. Quelques heures plus tard, au moment de passer sur un champ de sargasse, j’aperçois quelques poissons que j’ai du mal à identifier. A cet instant, une ligne part et ce sera cette fois ci une petite sériole que nous remettons à l’eau. Je remonte les quatre lignes car elles ont toutes accroché des algues. Cela dure cinq minutes mais c’est suffisant pour apercevoir un magnifique espadon voilier à vingt mètres de notre sillage. J’essaye de remettre une ligne rapidement mais trop tard, notre bel espadon est déjà parti. A 16h, toujours avec le même leurre, nous prenons un thasard autrement appelé thon banane ou Wahoo. Joli poisson qui à ma grande surprise se fait attaquer par d’autres poissons au moment de le sortir de l’eau ! Il semble qu’il y ait un vrai festin sous la mer mais après avoir mis une coryphène et un thasard au frais, nous meetons fin à la partie de pêche.

A la fin de la journée, la Martinique n’est plus qu’à 20 milles.

Belle journée de pêche !Belle journée de pêche !

Belle journée de pêche !

Mercredi 05/01

Minuit, nous contournons la côte pour accéder au chenal du marin. Nous sommes toujours au moteur et apercevons à de nombreuses reprises des bouteilles flottantes retenant les casiers des pêcheurs. Nous nous estimons heureux de ne pas nous avoir pris cela dans l’hélice en pleine nuit et pestons contre les pêcheurs qui s’en foutent complètement. Arrivé dans le chenal du marin, nous essayons de contacter la capitainerie mais nous apprendrons plus tard que celle-ci ferme à 18h, bienvenue aux Antilles !  Je me félicite d’avoir tracé la route et programmé le pilote sur celle-ci. Nous avançons dès fois sans comprendre le fonctionnement de cet immense chenal mais nous nous faisons progressivement guider par le pilote qui suit la route et bip de waypoint en waypoint jusqu’à destination. Nous arrivons dans la première place libre du port que nous voyons et allons nous coucher pour une bonne nuit de sommeil bien méritée.

Le lendemain, nous faisons la liste des dégâts faisant suite à cette transat, celle-ci est faible et sans gravité ; nous nous en occuperons dans un rythme créole …

L’écoute de grand voile s’est usée fortement et la gaine n’existe plus par endroits, un des haubans s’est désolidarisé de son manchon, la grande voile a frotté contre la barre de flèche et la couture est partie, la bordure du génois s’est complètement arrachée, le palan du bas étais a cassé au niveau de son mousqueton.

Quelques réparations à prévoirQuelques réparations à prévoirQuelques réparations à prévoir

Quelques réparations à prévoir