Beaucoup sont au courant, les premiers étant les amis que l’on devait rejoindre en Sardaigne début Août, de notre mésaventure qui eut lieu de la fin du mois de Juillet jusqu’à la fin du mois de Septembre. Le côté frustration de ce sinistre incident ou simplement l’envie d’écrire pour passer le temps m’ont fait relater ces événements. Pour la première fois sur ce blog, vous trouverez dans cet article plus de texte que de photos, en espérant que vous prendrez autant de plaisir à nous lire …

Mésavanture !

Nous sommes partis de Monastir le 27 Juin 2015, le lendemain de l’attentat qui eut lieu sur une plage voisine à Sousse.
Notre prochaine grande étape étant la Sardaigne nous en profitions pour passer par la Sicile et faire une petite halte sur les îles éoliennes.
Nous nous rendions sur l’île Vulcano lorsqu’une panne moteur plutôt inquiétante arriva. Le moteur n’a pas chauffé mais le démarreur forçait laissant présager une panne que nous n’allions pas pouvoir réparer dans l’immédiat en mer …
Retour sous spi à 5 puis 4 puis … 0,5 nœuds ! Nous battons des records de lenteurs et sortons l’annexe pour pousser le bateau. Évidemment le moteur de l’annexe à refroidissement par air ne tient pas longtemps et nous permet tout juste de nous rapprocher du rivage. Nous faisons signe à de nombreux bateaux à moteur qui passent à toutes vitesses à côté de nous. Aucun d’entre eux ne s’arrête, il est pourtant impossible qu’ils ne nous voient pas. Nous espérons un éventuel voilier de solidarité qui ne viendra jamais. A la place, c’est un gros zodiac composé d’une famille nombreuse qui s’arrête mais qui ne nous remorquera pas, nous laissant dubitatif sur la raison pour laquelle il nous a abordé.

Nous arrivons enfin devant le port de Milazzo maismême le port ne nous voit pas et il est impossible de le contacterpar radio VHF. Nous nous interdirons néanmoins d’utiliser le canal 16 (urgence) car nous ne sommes pas dans une situation grave. Nous aurions tout de même bien aimé une assistance pour entrer au port, mais à défaut nous décidons de nous mettre au mouillage. Nous y arriverons plus vite que prévu car une barque italienne passant par là nous remorquera sur les 500 derniers mètres.

Le lendemain nous descendons à terre sur une petite plage du club nautique local. Accueilli gentiment par le directeur de ce club, nous expliquons notre problème. Francesco qui parle français et qui deviendra par la suite un ami comprend rapidement notre situation. Il dégaine aussitôt entre deux cours d’optimist son portable pour donner de nombreux appels jusqu’à temps d’avoir un mécanicien compétent et disponible en plein mois d’Août. Valérie lui dit alors « je ne
sais comment vous remercier » et lui répond « je ne fais que ce qui devrait toujours être fait dans le milieu de la plaisance ».
C’est donc Enzo, mécanicien sympathique parlant également français, qui débarquera en annexe au bateau pour un premier diagnostic. Enzo viendra à deux reprises pour nous expliquer que la panne est grave et qu’elle n’est plus de son ressort. Il nous recommande alors un chantier sur Messine. A l’image d’Enzo et de Francesco, il est certain que nous ne pouvons pas nous tromper en contactant ce chantier. Grave erreur de notre part que nous constaterons par la suite.

Le sort du bateau au mouillage ancré aux côtés de quelques cailloux dépend de la bonne grâce de la météo. Nous décidons donc avec le soutien d’Enzo de négocier une place au port pour la somme de 55 euros incluant un remorquage au port gratuit.
Évidemment, la levée d’ancre a été l’occasion d’une petite séance sportive.
Nous ne pouvions plus compter sur les batteries devenues faiblardes à cause des nombreux démarrages moteurs et l’ancre a eu la bonne idée de s’accrocher à des casiers de pêche. C’est devant l’admiration des marineros qui se posent devant moi avec leur zodiac que je remonte fièrement les 40 mètres de chaîne en même temps que les casiers.

Le lendemain au port, c’est avec un soulagement que nous accueillons les mécanos de Messine. Soulagement qui devint rapidement colère et incompréhension car le « représentant » « local » « officiel » « Volvo » habillé d’un costar blanc et digne d’une caricature de la mafia s’en est mêlé !
Malgré nos sollicitations, les mécanos de Messine choisissent de repartir pour laisser place à cette figurer locale. Départ approuvé par le patron du port qui pense encore toucher ses commissions, les mécanos sont remerciés et raccompagnés par les marineros du port.

Nous attendrons alors plusieurs jours pour rien tout en sollicitant éternellement cette caricature mafieuse qui nous répétera tous les jours « domani » mais qui ne viendra jamais au bateau.

Après 5 jours d’attente nous décidons de poser un ultimatum.

Avec courtoisie nous informons la capitainerie de notre départ : « domani, andiamo con la barca con la vela sin motor e none pagar le porto ». Nous partagons cet ultimatum avec Enzo et Francesco qui se disent scandalisés : « cela ne peut pas arriver et n’arrivera pas ! « Inadmissible » et « honteux », c’est l’image de la Sicile qui en prendrait un coup.

Nous croisons sur le ponton le « représentant » « local » « officiel » « Volvo » qui ne s’excusera jamais. Nous lui demandons donc de payer les cinq jours de port durant lesquels nous l’avons attendu. Naturellement, il refuse et rétorque avec une incompréhension totale et un rire maussade. Cela nous donne néanmoins l’occasion d’utiliser les insultes italiennes que nous avons apprises en cours de route. Sous pression, le patron du port comprend vite la dégénérescence de la situation. Il choisit immédiatement de renoncer à ses commissions et rappelle les mécaniciens de Messine pour qu’ils reviennent dès que possible.

Le lendemain, nous sommes enfin pris en charge par des mécanos, nous pensons que la fin de cette mésaventure est proche mais c’est seulement le début d’une autre histoire.

Mésavanture !

Les mécaniciens de Messine nous remorque du port de Milazzo à un autre port industriel. Amarrés aux côtés d’une grue nous sommes prêts à retirer le moteur du bateau mais lors du démontage une conclusion tardive arrive : ce n’est pas le moteur qui est en panne mais l’inverseur.

A ma grande surprise le mécano sort la jauge d’huile et me montre que l’inverseur est à sec ! J’ai pourtant vérifié le niveau d’huile récemment. De plus le contrôle d’huile de l’inverseur n’est pas censé être effectué tous les jours puisque le volume d’huile présent est censé rester constant. Après coups si j’avais un conseil à donner, ce serait celui de vérifier systématiquement avant chaque départ le niveau d’huile moteur et inverseur. Partant de ce constat il nous faut trouver une solution pour sortir, non plus le moteur mais le bateau de l’eau.

Bateau sorti de l'eau à partir de la plage

La question de rejoindre Messine à la voile est soulevée mais les mécanos de Messine nous trouvent finalement un chantier tenus par des amis de Francesco qui sont eux aussi à l’image de ce que l’on connait de certains siciliens : sympathiques, compréhensifs et altruistes.

Exceptionnellement nous pourrons dormir à bord du bateau au chantier et pourrons partager le quotidien d’une famille sicilienne et le dur labeur de l’ensemble des ouvriers présents.

Une fois le bateau sorti de l’eau, nous constatons les causes de la fuite d’huile de l’inverseur.
L’hélice ayant enroulé une grande longueur de fil de pêche autour de la bague hydraulube, l’inverseur perdit succinctement toute sa contenance d’huile.

Fil de pêche ... malheur !

Le chantier de Messine ne tarde pas à nous envoyer son devis sâlé : 3500 euros taxes comprises pour l’ensemble des réparations et il faut compter 2000 euros supplémentaires pour le chantier de Milazzo qui manutentionne le bateau. Une facture totale de 5500 euros, soit toutes nos économies.

Nous avons lors de notre départ eu la bonne idée de prendre une assurance tous risques pour ce bateau et entrons parfaitement dans le cadre prévu par celle ci. De plus je les ai informé dans les temps puisque je leur ai envoyé un mail le lendemain de la panne; mail que je ne parviens pas à retrouver facilement puisque mon Macintoch qui a extrait l’email du serveur de messagerie est lui aussi tombé en panne. L’opération consiste donc à démanteler son disque dur pour le raccorder au Pc du bord et en extraire ce fameux mail.
Nous nous efforçons de constituer la totalité du dossier d’assurance pour l’envoyer le plus rapidement possible.

Un beau matin nous nous sommes étonnés de constater la présence de carabiniers sur le chantier. Je fus d’autant plus surpris lorsque les carabiniers m’interpelèrent mais je compris rapidement leurs sollicitations. Un vol ayant été commis dans les alentours, ils souhaitaient récupérer les vidéos ces caméra de surveillance. En tant qu’ingénieur en informatique, je leur serai d’un grand secours si je pouvais aider notre ami Antonio, responsable du chantier, à extraire certaines vidéos issues des caméras de surveillance dans un format exploitable. Je me rappelle de cette matinée pour cet événement mais également pour la grande et bonne nouvelle qui nous fut donnée : l’expert de notre assurance nous a appelé pour nous signifier que notre sinistre serait bien pris en charge en totalité.

Nous nous félicitons d’avoir pris une assurance tous risques et plus particulièrement celle-ci !

Au 16 Août, l’ordre est donc donné d’attaquer les travaux qui mettront un mois à être réalisés. Cette attente fut franchement longue mais quel plaisir de partager le quotidien d’une famille sicilienne.

Nous avons été régulièrement conviés à partager leurs repas, que ce soit chez eux ou au restaurant, et avons pu découvrir les îles éoliennes en famille sur leur petit bateau à moteur de marque Crunchi. Val découvre les joies de la vitesse sur l’eau et apprécie le fait de rejoindre Vulcano et Lipari en moins d’une heure à 25 nœuds. Nous en profitons pour nous baigner et je manque de me faire piquer par une méduse dont j’ai échappé belle à quelques centimètres grâce à l’alerte donnée par Val. Honnêtement, si je m’étais fais piqué j’aurai vraiment pensé que le sort s’acharnait …

Mésavanture !

Dans cette attente interminable de réalisations des travaux, nous décidons de prendre un bol d’air et de rejoindre notre ami Gilles sur son bateau à Ragusa : sortie bateau et découverte de la réserve naturelle de Pantallica au programme. Nous sommes enchantés de ce petit séjour mais déchantons rapidement de retour au bateau. Deux bombes de polyéruthane ont explosées dans le bateau, se transformant en volcans dont les projectiles de mousse volent et se collent partout dans le bateau. Plusieurs jours de travail seront nécessaires pour nettoyer et refaire intégralement (vernis/peinture) la table du salon.

Le lundi 14 Septembre les mécanos du chantier de Messine arrivent enfin avec une grue et le moteur. Première lueur d’espoir depuis plusieurs semaines, allons nous réellement pouvoir repartir ? Nous les prévenons de faire attention au bois présent à l’intérieur du bateau car la première fois qu’ils ont enlevé le moteur, ils l’ont abîmé.

Leur travail concernant la mise en place du moteur se révéla désastreux. Un mélange de colère et de dégoût mais aussi de doute et de stupéfaction nous immergent. Lors de l’insertion du moteur dans le bateau, le bois que Val s’était appliqué à réparer et à entretenir la première fois fut massacré. Ce qui peut à ce moment là passer pour de la négligence passera ensuite franchement pour du sabotage. Le mécanicien qui se charge de revisser le cadre moteur, vissera tellement fort avec de mauvaises vis qu’il transpercera de part et d’autre les deux cabines arrière du bateau.

Cadre du moteur éclaté

Le premier mécano qui a enlevé le moteur ne sait plus le remettre. N’ayant pris aucunes notes ni photos il reste dubitatif devant les fils électriques et l’ensemble de la tuyauterie. Celui-ci fait appel à un collègue qui se révélera être tout aussi incompétent mais avec quelques défauts supplémentaires puisque de mauvaise foie, colérique et impatient. Ce dernier nous sourit lorsqu’il parvient grâce aux photos que j’ai pris le jour du démontage à remettre le tout en place. Evidemment cette intervention nécessitera par la suite mon intervention, celle de notre ami Antonio, celle d’un électricien et celle d’un professionnel du bois. On en profite pour vérifier les boulons dont la moitié n’ont pas été serrés, pour mettre en place certaines pièces du moteur qui ont été oublié comme le filtre à air, refaire l’ensemble des connections électriques, reprendre le cadre en bois et les cabines arrières, refaire les niveaux inverseur et moteur, réparer la carte électronique du booster de charge dont une partie a fondue. A l’heure où j’écris ces lignes, il nous reste le problème du levier de commande qui est dur et d’une jauge à carburant qui indique constamment 100%. Le lendemain, nous faisons notre dernier essai en mer et il faudra encore se battre une dernière fois avec les mécanos pour que le compteur horaire du moteur puisse de nouveau fonctionner. Le moteur et l’inverseur semblent bien fonctionner et nous laissons les mécanos à quai. Un grand soulagement nous envahit, nous réalisons après deux mois bloqués que nous sommes sur l’eau avec un moteur et un inverseur qui fonctionnent. Nous pouvons continuer ! Nous n’avons jamais eu autant soif d’aventures, et nous sommes prêts à nous en rassasier jusqu’à l’ivresse.

Nous n'oublions pas de fêter notre départ avec nos amis ...

Nous pouvons fêter notre prochain départ pour de nouvelles aventures avec notre famille adoptive sicilienne ! Merci à eux 🙂